Sur un projet de Agoaye : Ce que j'aime en moi.
Je suis quelqu'un de réservé. Quelqu'un
qui a appris, à un moment de sa vie, qu'il ne fallait pas montrer ses qualités.
Alors faire une liste de tout ce que j'aime en moi n'a rien de naturel pour moi
qui n'ai jamais su mettre en avant ce qu'il y a de bien en lui.
Je suis quelqu'un de réservé. La
faute à un professeur des écoles qui avait indiqué sur un carnet scolaire
"G. ne doit pas trop montrer ses connaissances, cela perturbe les autres élèves" ou un truc dans ce genre là, j'ai la flemme d'aller ouvrir mes archives pour
vérifier l'exactitude de ces mots. Venant d'un prof que le gosse de 8 ans que
j'étais adorait, ça m'a fait mal. Je n'ai plus jamais été par la suite celui
qui levait le doigt pour donner la réponse qu'il connaissait. Plus jamais je
n'ai été le petit garçon qui se portait volontaire à l'appel de ses professeurs
pour résoudre un petit problème au tableau. Jamais plus je n'ai été celui qui
donne son avis et défend ses idées. Je n'ai jamais plus été celui qui dévoilait
ce qu'il avait en tête, puisque "cela perturbe les autres". Depuis
ces mots trop forts pour ma jeune personnalité, je suis quelqu'un de réservé. Puisque
mes connaissances, mes raisonnements, mes réponses aux problèmes perturbent les
autres, et bien je me les garde. Que ces autres fassent comme ils veulent, je ferai
comme je veux de mon coté, en silence. Cet état d'esprit m'a sans doute empêché
de franchir certaines portes, soit parce que je n'osais pas revendiquer que
j'avais ma place de l'autre coté, ou parce que personne ne m'invitait à les pousser.
Tant pis. Je ne souhaite pas m'écrire dans le passé pour me prévenir de ne pas
laisser tomber. L'enfant que j'étais ne comprendrait pas l'état d'esprit de l'homme
que je suis maintenant.
Je suis donc quelqu'un de réservé,
qui ne se met jamais en avant. Mais ce n'est pas parce que je ne dis rien lors
des séances de groupe que je n'ai pas mes idées sur les questions. Si je me
tais, c'est parce que ma vision des choses est bien souvent très différente de
ce qui ce fait habituellement et que je n'ai pas envie de devoir justifier mes
propositions en développant mes raisonnements qui ne trouveraient que rarement
d'échos. Mais je sais que mes idées sont bonnes et
qu'elles valent la peine d'être essayées.
Car si ce professeur a tué en moi
la flamme qui ne demandait qu'à devenir brasier, il n'a pas détruit ma confiance
en moi, bien au contraire. Ce n'est pas toujours facile à vivre, pour moi ou
pour mon entourage, car quand j'ai une idée en tête, je sais qu'elle est bonne
et je tiens absolument à l'appliquer. Quand j'ai une idée en tête, je VEUX la mettre
en œuvre, lui donner corps. Quand j'ai une idée en tête, ceux qui pensent
qu'elle ne peut aboutir doivent me fournir de bons arguments pour me dissuader
de la concrétiser. Sans cela, seule mon expérimentation pourra me convaincre,
non pas que j'ai échoué, mais que je n'ai pas poussé mes réflexions assez loin,
que j'ai été trop pressé, trop impatient. Une tentative ratée n'est qu'un pas
de plus vers une nouvelle méthode, vers un nouvel essai, puis un jour vers la
réussite. Et quand bien même le problème me resterait insoluble, il ne le
serait que par ma frustration de passer trop de temps sur ce que je pressens
pourtant si simple, à ma portée, et je m'en détournerais, faute de vouloir
prendre le temps de retourner sur les bancs de l'école pour acquérir les
connaissances qui me manquent alors. J'irai chercher un autre problème à résoudre,
un nouveau challenge pour mes neurones.
Je suis quelqu'un de réservé. La
liste de tout ce que j'aime en moi va donc être courte.
J'aime en moi mon intelligence,
pas la meilleure, mais une intelligence quand même efficace et qui aime
travailler. J'aime réfléchir, examiner, comprendre, puis maitriser, développer,
innover. Le négatif est que j'ai parfois du mal à faire simple, et que
justement, je ne trouve pas une solution à un problème qu'un bon sens enfantin
résoudra en quelques secondes.
J'aime ma confiance en moi. Elle
me permet de ne pas craindre d'être dépassé par mes propres idées et réflexions,
et surtout, de les assumer comme étant bien les miennes. Le négatif est que je
suis naturellement stressé. Mon corps est constamment sur le qui-vive
(à chaque vaccination, on me demande de me détendre, car les docs me trouvent
anormalement tendu en me prenant l'épaule – et ce n'est pas la piqûre qui me
fait peur), nerveux, et j'ai énormément de mal à me laisser aller, à lâcher
prise, à confier le contrôle à quelqu'un d'autre. Je passe facilement pour
un sale con qui ne sait pas se détendre.
Mais j'aime aussi mes yeux. Alors,
en fermant ma gueule et avec quelques verres d'alcool (pour moi ou pour la personne
en face, au choix), il m'arrive parfois de passer pour quelqu'un de bien et d'être
supportable.