mercredi 5 décembre 2012

La nuit dernière, Julie a pleuré.



Elle a versé ces larmes rares qui accompagnent les encore plus rares moments de pur bonheur que nous ressentons parfois. Julie a pleuré de voir notre fils se blottir contre elle pour se calmer de son mal-être de la nuit. Julie a pleuré de ce câlin qu’il lui a fait, à elle, mais aussi au petit être dont il sera le grand frère. Julie a pleuré de joie en pensant à cette famille, SA famille.
En général, quand notre garçon passe une mauvaise nuit et a besoin d’être rassuré pour se rendormir, c’est Julie qui va s’installer dans le clic-clac avec lui. Ce n’est pas que je n’en ai pas envie, mais nous ignorons le temps qu'il mettra à se rendormir et Julie et moi avons préféré la solution la plus sage : favoriser mon sommeil avant l’heure de route qui m’attend pour aller au boulot le matin. Nous préférons tous les deux une maman fatiguée à un papa qui dort au volant. Donc, cette nuit-là, Julie est allée "dormir" avec notre fils et il s'est passé ce qu'elle a écrit.
Il devait vraiment avoir mal dormi puisque le lendemain en me levant, alors que j'entendais habituellement son râle de futur Mâle réveillé par mes bruits, il n'y avait que le silence. La porte de sa chambre était restée entrouverte, mais je n'ai pas osé aller voir mes amours et je les ai laissé se reposer encore un peu. J'ai allumé la télé en sourdine en prenant mon petit déjeuner seul dans le calme, puis me suis préparé pour filer. Mes anges se sont levés pendant ce temps et j'ai pu les embrasser tous les deux en les serrant dans mes bras. Julie m'a juste dit qu'il s'était endormi contre elle et j'ai ressenti une pointe de jalousie de ne pas être allé dormir avec eux. Mais j'ai tellement de câlins de mon fils que je peux bien laisser à Julie ce genre de petits moments.
Ce n'est qu'en milieu de matinée que j'ai appris quelles avaient été les émotions de Julie dans la nuit. Elle ne m'en avait pas parlé, et je pense que ça a été une bonne décision. Julie a eu raison de se garder ce moment de bonheur qui a été le sien pour elle toute seule.

La nuit dernière, Julie a pleuré du bonheur de construire sa famille.
Je sais bien que sans notre fils, sans notre second(e) enfant qui grandit en elle, elle n'aurait pas vécu ce moment. Je sais bien que son bonheur est très étroitement lié à ces deux vies qu'elle aura fabriquées durant de longs mois. Je sais bien que je ne devrais pas, mais je ne peux m'empêcher de me croire à l'origine de son bonheur. Je ne devrais pas penser ça parce que justement, je ne suis que l'origine du bonheur de Julie, mais pas la cause. Moi seul, j'ai plus souvent fait pleurer Julie de chagrin que de joie.

Je suis longtemps resté un enfant, un ado attardé, et plusieurs parties en moi le sont encore. Par exemple, je suis toujours cet enfant qui sait rester sage en attendant l'heure, mais qui devient insupportable si cette heure est dépassée et que rien ne se passe. Pendant très longtemps j'ai fait confiance à la parole des gens. J'ai eu de la chance jusqu'à récemment de côtoyer des gens honnêtes qui ne m'ont jamais déçu, mais deux personnes ont suffit en moins de deux ans pour changer cela. Tout au long de ma vie je me suis imaginé chevalier, héros de tout un peuple, puis star nationale, voire plus, idole de toutes les filles. Comme tout gosse, j'ai aimé faire plaisir à mes parents, puis donner une bonne impression autour de moi. Comme tout ado j'ai voulu impressionner les filles. Mais sans aucune audace pour les aborder, je n'étais qu'un playboy dans mes scenarii. Comme tout adulte, je me suis imaginé mari et père irréprochable. Comme tout le monde, je me suis trompé sur mon compte à tous les âges : je n'ai sauvé la vie qu'à un chat, je ne suis pas célèbre, je ne parviens pas à plaire autant que je le voudrais, je n'ai pas encore acquis assez de patience envers notre fils et j'ai trop souvent déçu ma femme.

J'ai plus souvent fais pleurer Julie de chagrin que de joie, mais la nuit dernière, Julie a pleuré du bonheur de voir sa famille exister et grandir. Notre famille. Et même si je ne devrais pas, j'ai besoin d'écrire que je suis la cause, l'origine, ce que vous voudrez, mais j'ai besoin d'affirmer que ce bonheur n'aurait pas pu exister sans moi. Que Julie n'aurait jamais pleuré comme ça si ça n'avait pas été moi, si ça n'avait pas été notre fils, si ça n'avait pas été nous, ensemble.

Julie m'a choisi moi. Elle m'a accepté pour époux et m'a choisit pour père de ses enfants. Julie sait tout de moi, et malgré tous mes défauts, elle a pleuré de bonheur en pensant à notre famille. Oui, c'est vrai, j'ignore si j'étais effectivement aux côtés de notre ainé et de son petit frère ou sa petite sœur dans les pensées de leur mère, mais je m'en fiche. J'ai promis que je ne rendrais pas Julie malheureuse et j'ai déjà échoué trop de fois.

Julie a pleuré de bonheur la nuit dernière. J'en ai pris conscience il y a plusieurs mois déjà, mais j'en ai la confirmation maintenant : je commence à devenir celui que j'ai toujours eu envie d'être.

La nuit dernière, Julie a pleuré.